Politique
L'admissibilité à des prestations pour invalidité attribuable à la douleur chronique est accordée lorsque l'invalidité découle d'une lésion reliée au travail et qu'il existe suffisamment de preuves subjectives et objectives crédibles pour confirmer cette invalidité.
But
La présente politique a pour but de fournir des directives sur l’admissibilité concernant les demandes de prestations pour invalidité attribuable à la douleur chronique.
Directives
Exception
Les demandes de prestations relatives à des douleurs persistantes ne sont pas toutes évaluées selon la présente politique. Si la douleur est essentiellement attribuable à une cause organique ou aux troubles mentaux relatifs à un trouble de conversion ou au syndrome de stress post‑traumatique, le travailleur est indemnisé conformément à la politique de la Commission concernant le trouble organique ou mental en question. Toutefois, si la douleur chronique est principalement associée à des facteurs psychologiques (autres qu’un trouble de conversion ou le syndrome de stress post‑traumatique ‑ voir le document 15-04-02, Invalidité attribuable à un traumatisme psychique) ou à des facteurs organiques non décelés, la douleur sera prise en considération à des fins d’'indemnisation conformément à la politique sur l'invalidité attribuable à la douleur chronique.
Critères d’admissibilité
Pour qu'un travailleur ait droit à une indemnisation pour invalidité attribuable à la douleur chronique, les conditions suivantes doivent être remplies et l'ensemble des preuves suivantes doivent confirmer qu'il en est ainsi :
Condition | Preuves |
---|---|
Une lésion reliée au travail s'est produite. | Une demande de prestations pour une lésion a été soumise et acceptée. |
La douleur chronique résulte de la lésion. |
Il existe des preuves médicales ou non médicales, subjectives ou objectives, établissant que le travailleur a une douleur continue, constante et réelle depuis le moment de sa lésion, |
La douleur persiste six mois ou plus après la période de guérison normale pour ce genre de lésion. |
L'opinion d'un médecin confirme la période de guérison normale de la lésion, compte tenu de la nature de la lésion du travailleur, de son état de santé avant l'accident et des traitements qu'il a suivis, |
L'intensité de la douleur ne concorde pas avec les constatations organiques. | L'opinion d'un médecin confirme ce fait. |
La douleur chronique diminue la capacité de gain du travailleur. | Les preuves subjectives, confirmées par des preuves médicales ou d'autres preuves objectives suffisantes, établissent que l'effet durable de la douleur chronique contribue à perturber la vie du travailleur de façon marquée et constante. |
Définitions
Le terme « invalidité attribuable à la douleur chronique » sert à décrire l'état d'une personne qui souffre de douleur chronique à un point tel que sa vie en est perturbée de façon marquée.
« Douleur chronique » s'entend d'une douleur dont les caractéristiques sont compatibles avec celles d'une lésion reliée au travail mais qui persiste six mois ou plus après la période de guérison normale pour ce genre de lésion.
« Période de guérison normale » s'entend de la période consécutive à la lésion, à la fin de laquelle le travailleur devrait avoir recouvré sa capacité fonctionnelle d'avant l'accident ou avoir atteint un état stable dans son rétablissement physique.
« Perturbation marquée de la vie » ‑ La douleur étant un phénomène subjectif, la « perturbation marquée de la vie » constitue la seule mesure valable de l'invalidité ou de la déficience dans les cas de douleur chronique. L'expression « perturbation marquée de la vie » traduit l'effet que peut avoir la douleur sur le travailleur, ses activités de la vie quotidienne, ses activités professionnelles, son fonctionnement physique et mental, ainsi que sur ses relations familiales et sociales.
La vie d'un travailleur doit être perturbée d'une façon claire et nette, mais il n'existe aucune condition particulière établissant que cette perturbation doive être mineure ou majeure. La perturbation de la vie personnelle, professionnelle, sociale et familiale du travailleur doit être continue, même si le degré de perturbation ne doit pas nécessairement être identique dans chacune de ces dimensions.
L'utilisation de la conjonction « et » dans l'expression « vie professionnelle, sociale et familiale » signifie que les trois dimensions de la vie du travailleur doivent être touchées. Cependant, il n'est pas nécessaire que celles-ci soient perturbées au même degré.
De prime abord, le fait que le travailleur ne soit pas retourné travailler peut laisser croire que sa vie est perturbée de façon marquée et permet de supposer que d'autres dimensions de sa vie sont également perturbées. Au fur et à mesure que progresse la période de six mois, le décideur est tenu d'obtenir des preuves selon lesquelles il y a perturbation dans chaque dimension de la vie du travailleur (vie personnelle, professionnelle, sociale et familiale).
La vie professionnelle du travailleur peut être considérée comme perturbée si celui-ci retourne à un travail qui a été modifié pour tenir compte de son invalidité attribuable à la douleur chronique.
La liste suivante fait état des perturbations typiques portant atteinte aux capacités fonctionnelles lorsqu'il y a douleur chronique. Elle doit être utilisée lors de l'évaluation des effets de l'invalidité attribuable à la douleur chronique sur la vie du travailleur.
Perturbation marquée de la vie ‑ Aspects professionnels
- Les différentes tâches et la durée du travail peuvent être totalement ou partiellement restreintes, c'est‑à‑dire que le travailleur ne peut accomplir qu'un travail modifié ou à temps partiel.
Perturbation marquée de la vie ‑ Aspects physiques
- Douleurs constantes, ressenties sans relâche
- Douleurs accompagnant les mouvements ou se manifestant lors de l'usage de la « partie du corps endolorie »
- Aggravation de la douleur lors d'activités précises
- Impossibilité de rester assis ou debout ou de marcher longtemps
- Possibilité de marcher sur de courtes distances seulement
- Mouvements de flexion du tronc et de soulèvement limités
- Difficulté à sortir du lit le matin, en raison de la raideur articulaire et de la douleur
- Sommeil régulièrement perturbé par la douleur : difficulté à s'endormir, réveil précoce, sommeil fréquemment interrompu par la douleur
- Besoin de somnifères
- Changement d'appétit ou de poids (gain ou perte)
- Fatigue accrue ou constante
- Sensation d'instabilité en position debout
- Étourdissements
- Maux de tête
Périodes de guérison normale
La Commission détermine la période de guérison normale en se fondant sur ce qui suit, sans s'y limiter :
- les rapports cliniques des professionnels de la santé traitants;
- les rapports de spécialistes, le cas échéant;
- les rapports des établissements de soins fournissant des traitements ou des évaluations (p. ex., des centres d’évaluation régionaux);
- l’information fournie par le travailleur relativement à sa déficience médicale;
- les lignes directrices externes fondées sur des preuves médicales et scientifiques ayant trait à une déficience ou un traitement lié à une maladie ou lésion précise; et
- l'opinion fournie par le personnel clinique de la Commission, si cette opinion a été obtenue.
La Commission tient compte des facteurs suivants :
- si les rapports cliniques récents indiquent un changement dans la déficience médicale du travailleur;
- si le travailleur reçoit ou recevra des traitements qui sont susceptibles d’améliorer sa déficience médicale, voir le document 11-01-05, Détermination d’une déficience permanente.
Une fois que la période de guérison normale a été déterminée, la Commission doit inscrire les renseignements au dossier comme point de référence lors des examens de dossier subséquents.
Sommaire des conditions et preuves nécessaires
Les renseignements suivants doivent apparaître au dossier sous forme de note de service
- Nom et numéro de dossier du travailleur
- Antécédents
- Traitement
- Situation des prestations
- La lésion est-elle reliée au travail? (oui/non)
- La douleur chronique résulte-t-elle de la lésion? (oui/non)
- La douleur a‑t‑elle persisté au‑delà de la période de guérison normale? (oui/non)
- La douleur a‑t‑elle persisté pendant six mois ou plus après la période de guérison normale? (oui/non)
- La douleur concorde‑t‑elle avec les constatations organiques? (oui/non)
- La douleur chronique diminue-t-elle la capacité de gain? (oui/non)
- Conclusion et remarques
S'il y a raison de croire que la période de guérison du travailleur est prolongée en raison d'autres facteurs (âge, diabète, etc.), on sollicite l'opinion d'un médecin consultant de la Commission pour faciliter le processus d'évaluation.
Cours de la période de six mois
Si le travailleur affirme ressentir de la douleur au‑delà de la période de guérison normale et que cette information est confirmée par les rapports médicaux et les renseignements obtenus directement du travailleur, sans toutefois que ces rapports ne donnent clairement une explication d'ordre organique de l'intensité de la douleur, la période de six mois (période « de douleur chronique potentielle ») débute à la date à laquelle la guérison était censée être complète.
La période de six mois vise deux objectifs principaux :
- permettre le traitement de la douleur (si les établissements nécessaires existent) pour éviter qu'elle ne devienne chronique;
- accorder un délai suffisant pour examiner les raisons qui semblent avoir empêché le travailleur de se rétablir complètement (à l'aide d'examens effectués par des spécialistes, d'investigations menées par le professionnel de la santé, de traitements de physiothérapie traditionnels, etc.).
Les consultations médicales ou les programmes de traitement n’interrompent pas la période de six mois à moins que les troubles organiques ou troubles mentaux relatifs à un trouble de conversion ou au syndrome de stress post‑traumatique soient diagnostiqués de façon positive et définitive au cours de cette période ou jusqu’à ce qu’un tel diagnostic existe. De même, la possibilité d’une telle constatation ne constitue pas une interruption de la période de six mois.
Traitement
Il est essentiel d'orienter rapidement le travailleur vers un centre de traitement durant la période « de douleur chronique potentielle ». Dans la mesure du possible, on privilégie les programmes de traitement intégrant les techniques de la thérapie comportementale. Il est toutefois reconnu que la province ne possède pas les ressources suffisantes pour traiter tous les travailleurs atteints d'invalidité ou de déficience attribuable à la douleur.
Opinion du médecin consultant de la Commission
La Commission amorce le cours de la période de six mois en se basant sur la détermination de la période de guérison normale et les renseignements figurant au dossier. Cependant, au cours du premier mois de cette période, la Commission peut transmettre le dossier à un médecin consultant de la Commission pour obtenir la confirmation de la période de guérison normale et une opinion quant à la compatibilité de la douleur avec la lésion reliée au travail (le médecin consultant n'est pas appelé à se prononcer sur la persistance ou l'intensité de la douleur).
La Commission peut également consulter un médecin consultant pour s'assurer que le travailleur subit les examens cliniques appropriés. Pendant de telles consultations, la période de six mois continue de s'écouler.
Détermination de la perturbation marquée de la vie
Il peut être possible, en discutant avec le travailleur, de déterminer l'effet de la douleur sur ses activités. La Commission doit toutefois se garder de poser des questions détaillées sur la vie personnelle du travailleur.
Il ne devrait pas être nécessaire de recourir au rapport d'un travailleur social pour établir qu'il y a perturbation marquée de la vie pendant la période de six mois. Le dossier devrait contenir suffisamment de renseignements à ce sujet.
Un tel rapport est requis seulement dans les cas suivants :
- si le travailleur doit subir une évaluation de déficience permanente relativement à une invalidité attribuable à la douleur chronique et que le rapport doit servir à fixer le degré de déficience;
- si les différentes perturbations de la vie (personnelle, professionnelle, sociale et familiale) ne semblent pas concorder, et que la Commission et le médecin consultant de la Commission conviennent de la nécessité d'une évaluation effectuée par un travailleur social pour clarifier la situation.
Pendant de telles consultations, la période de six mois continue de s'écouler.
Degré d'invalidité et de déficience pendant la période de six mois
Lorsqu'elle fixe le degré de l'invalidité ou de déficience au cours de la période de six mois, la Commission ne tient pas seulement compte des rapports médicaux faisant état des constatations organiques du problème; il considère également le phénomène subjectif de la douleur perçue par le travailleur. Par exemple, même si un rapport médical indique que le travailleur est partiellement invalide ou atteint d’une déficience du point de vue organique, la Commission peut conclure qu'il y a une invalidité ou déficience totale en raison de l'effet combiné des constatations organiques et de l'intensité de la douleur ressentie.
Retour au travail
S'il est établi que des services de retour au travail auraient un effet positif pendant la période de six mois, le travailleur est orienté vers de tels services, indépendamment de son état de santé.
Invalidité ou déficience permanente
Il est présumé qu’au terme de la période de six mois suivant la période de guérison normale, le travailleur aura subi des examens complets et fait l’essai de traitements médicaux conventionnels. Par conséquent, on considère que les travailleurs qui satisfont aux critères d’admissibilité énoncés dans la présente politique ont atteint le stade du rétablissement maximal tout en ayant une déficience permanente.
Dans le cas des accidents survenus le 2 janvier 1990 ou après cette date, les travailleurs sont admissibles à une détermination de la perte non financière (PNF) (voir le document 18-05-11, Évaluation de la déficience permanente attribuable à des troubles mentaux et comportementaux).
Dans le cas des accidents survenus avant le 2 janvier 1990, les travailleurs sont admissibles à une évaluation de l’invalidité permanente (voir le document 15-04-04, Barème de taux relatif à l’invalidité attribuable à la douleur chronique).
Toutefois, la Commission doit tenir compte des principes généraux en déterminant le rétablissement maximal, pour s’assurer que les différences individuelles sont considérées dans chaque cas (voir le document 11-01-05, Détermination d’une déficience permanente).
Fibromyalgie
Le cas des travailleurs dont le diagnostic révèle la présence de fibromyalgie est considéré pour établir leur droit à une indemnisation en vertu de la politique sur l'invalidité attribuable à la douleur chronique.
Les caractéristiques de la fibromyalgie comprennent :
- la douleur chronique diffuse d'étiologie inconnue, attribuable soit à des troubles organiques non décelés, soit à des troubles psychogènes;
- la présence de « points douloureux » à des endroits prévisibles et habituellement symétriques; et(ou)
- la fatigue et les troubles du sommeil.
À l'exception des « points douloureux », ces caractéristiques sont celles que présentent habituellement les personnes atteintes d'invalidité attribuable à la douleur chronique, et le traitement recommandé est identique à celui de la douleur chronique. La fibromyalgie est donc reconnue comme une variante de l'invalidité attribuable à la douleur chronique, et les travailleurs qui en sont atteints peuvent avoir droit à des prestations, soit en vertu de la présente politique, soit en vertu de la politique sur l'invalidité attribuable à un traumatisme psychique (document 15-04-02 - Invalidité attribuable à un traumatisme psychique).
Dates d’application
- Dans le cas des travailleurs dont le diagnostic révèle la présence de fibromyalgie ou de fibrosite (attribuable à une lésion reliée au travail) pendant la période allant du 30 novembre 1976 au 26 mars 1986, le droit à une indemnisation est étudié en vertu de la politique de la Commission en matière d'invalidité attribuable à un traumatisme psychique.
-
Les travailleurs dont le diagnostic révèle la présence de fibromyalgie avant le 27 mars 1986, et le prolongement de cet état pathologique au‑delà du 27 mars 1986, peuvent choisir l'une des deux possibilités suivantes :
- continuer de toucher des prestations en vertu de la politique sur l'invalidité attribuable à un traumatisme psychique pour les périodes postérieures au 27 mars 1986, OU
- demander des prestations en vertu de la politique sur l'invalidité attribuable à la douleur chronique pour les périodes postérieures au 27 mars 1986.
- Dans le cas des travailleurs dont le diagnostic posé le 27 mars 1986 ou après cette date révèle la présence de fibromyalgie ou de fibrosite, le droit à une indemnisation est étudié en vertu de la politique sur l'invalidité attribuable à la douleur chronique.
La date de rétroactivité du 26 mars 1986 ne s'applique qu'à la partie de la pension du travailleur qui tient compte de l'intégralité de la personne et qui est rattachée à une invalidité attribuable à la douleur chronique. La diminution de capacité de gain du travailleur qui découle de troubles organiques et (ou) de troubles mentaux relatifs à un trouble de conversion ou au syndrome de stress post‑traumatique, est entièrement rétroactive à la date de l'accident ou de l'apparition de l'invalidité, selon la plus tardive de ces deux éventualités à survenir (voir le document 15-04-04, Barème de taux relatif à l’invalidité attribuable à la douleur chronique).
Trouble à symptomatologie somatique ou troubles connexes
Les cas où une personne reçoit un diagnostic de trouble à symptomatologie somatique avec douleur prédominante conformément au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) sont étudiés en fonction de la politique sur l’invalidité attribuable à la douleur chronique plutôt que de la politique 15-04-02, Invalidité attribuable à un traumatisme psychique. Toutefois, lorsque la personne reçoit un diagnostic de trouble à symptomatologie somatique ou de trouble connexe dont la douleur n’est pas le symptôme somatique prédominant, l’admissibilité peut être considérée aux termes de la politique 15-04-02, Invalidité attribuable à un traumatisme psychique.
Céphalée post‑traumatique
Les cas de céphalées invalidantes à caractère persistant qui résultent de traumatismes crâniens relativement mineurs et pour lesquels il n'existe aucune constatation objective doivent être étudiés en fonction des critères énoncés dans la politique sur l'invalidité attribuable à la douleur chronique.
Entrée en vigueur
La présente politique s’applique à toutes les décisions rendues le 20 juillet 2023 ou après cette date, pour tous les accidents.
Historique du document
Le présent document remplace le document 15-04-03 daté du 9 avril 2021.
Le présent document a été publié antérieurement en tant que :
document 15-04-03 daté du 7 septembre 2018;
document 15-04-03 daté du 15 février 2013;
document 15-04-03 daté du 14 octobre 2009;
document 15-04-03 daté du 18 juillet 2008;
document 15-04-03 daté du 1er juin 2006;
document 15-04-03 daté du 15 mars 2005;
document 15-04-03 daté du 12 octobre 2004;
document 03-03-05 daté du 22 août 1990.
Références
Dispositions législatives
Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, telle qu’elle a été modifiée.
Paragraphe 13 (1)
Loi sur les accidents du travail, L.R.O. 1990, telle qu’elle a été modifiée.
Paragraphe 4 (1)
Loi sur les accidents du travail, L.R.O. 1980, telle qu’elle a été modifiée
Paragraphe 3 (1)
Procès-verbal
de la Commission
No 3, le 17 juillet 2023, page 619